Mad Marginal, entre le document et l'oeuvre d'art








Le livre d’artiste Mad Marginal de Dora Garcia rassemble dans un classeur d’archives 27 documents (articles théoriques, photographies, entretiens, bande-dessinée, livrets, CD, etc.) autour du processus de recherche qu’elle a entrepris depuis plusieurs années sur l’antipsychiatrie. Le document d’archive est utilisé comme matière à réflexion, et non comme preuve. Ici aussi, d’ailleurs, l’objectif du livre n’est pas d’aboutir à une conclusion, mais à une recherche délibérément subjective, qui multiplie les culs de sac et les hypothèses, et favorise l’expérience affective et esthétique. L’œuvre, par ailleurs, sous prétexte de questionner l’institution psychiatrique propose, à un second niveau, une réflexion sur l’art et la figure de l’artiste comme marginal : comme le fou, il est créateur d’un monde à part, hors de la société ; comme le fou, c’est l’institution qui définit son statut; comme le fou, il circule hors des processus d’intégration, et fait ce qu’on n’attend pas de lui.

Dans une entrevue avec l’artiste, la journaliste propose de faire une distinction entre ce travail, qu’elle définit comme esthétique, et celui d’une chercheure. Parce que Dora Garcia ne semble pas prétendre à un souci de précision ni d’objectivité, et parce qu’elle fait subir aux documents un déplacement du factuel à un ordre poétique, singulier. Or, l’artiste se défend et refuse de considérer son livre comme une œuvre d’art, précisant que, même s’il a pu y avoir une conscience esthétique dans sa réalisation, l’intention artistique ne fait pas d’un livre une œuvre. Selon elle, son livre n’est pas fait pour la contemplation mais pour l’analyse*.


* Voire l’entrevue réalisée par Théodora Domenech, disponible sur le site de Rosascape : http://www.rosascape.com/site/rencontre-two-voices.html.