En périphérie, Ross Racine
Ross Racine dessine des paysages impossibles de banlieue vue du ciel. Le paysage périphérique, chez lui, pousse à l'extrême les standards des «suburbs» nord-américains, leur symétrie, leur géométrie maladive, la répétition à l'infinie du rêve de la classe moyenne : une maison avec un jardin et un garage, au bord d'une rue tranquille, proche d'une autoroute qui mène directement aux lieux fonctionnels du quotidien (centre commercial, entreprise, loisirs) .
C'est un peu comme ça que j'imagine, aussi, le paysage mental de «ceux qui s'accumulent», pour reprendre l'image d'une amie dans une de ses nouvelles: «il rêvait d'un lieu où l'on se renouvelle au lieu de s'accumuler». Comme les gens de banlieue enlisés dans leur géographie parfaite, je me demande s'il n'y a pas un âge après lequel on n'arrive plus à se renouveler. On se déplace, mais on est toujours le même. On n'a plus la force de se surprendre, encore moins de devenir quelqu'un d'autre. Parce qu'il faudrait lâcher ce qu'on a accumulé et qu'on est pris d'une peur nouvelle : la peur d'avoir moins à la fin qu'au départ.
Alors on change de ville; mais ça ne bouge plus. Ca ne nous atteint même plus. Ça n'atteint plus le fond. Peut-être est-ce là que la plupart d'entre nous laisse le mouvement, les désirs et les révolutions aux générations suivantes, en espérant qu'elles soient plus rapides et atteignent le but qu'on s'était fixé avant d'être recouvert par la frousse.
Source: Weburbanist, Ross Racine.